reflecties op literatuur, kunst, gevoel, architectuur, samenleving

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Les Albatros prennent la parole après le Salon Nieuw-Zuid 2

Jeudi 13 novembre 2025

PROLOGUE LYRIQUE — Le droit de réponse des albatros


On oublie parfois que l’être dont on parle
garde, lui aussi, un droit de réponse.
Que les images fixées par la littérature comme éternelles
ne sont que provisoires
dans la mémoire de ceux qu’elles ont capturés.
Et que les oiseaux, réduits à des symboles,
gardent encore, pliée dans leurs ailes,
une forme douce et tenace de contradiction.

Depuis que Baudelaire les a chantés,
les albatros portent un fardeau qui n’est pas le leur :
celui du vol sublime
et de l’avilissement soudain de la chute ;
l’idée que leur vérité n’existe qu’en altitude,
et que la terre les défigure à l’instant même.

Pourtant, quiconque a déjà vu un albatros de près
sait que cette vision demeure trop étroite.
Ils ne sont pas seulement princes des nuées,
ni maladroits passagers jetés sur le pont.
Ils sont créatures des confins :
entre hauteur et proximité,
entre silence et parole,
entre voir et être vus.

C’est pourquoi, après le deuxième Salon,
ils sont venus — d’abord en silence, puis plus résolus —
présenter leur propre version de l’histoire.
Non pour contredire Baudelaire,
mais pour élargir l’espace autour de ses mots,
comme si son vers n’avait été
qu’un premier geste vers une vérité plus vaste.

Ils voulaient dire :
Nous sommes davantage que la chute dont on se souvient.
Notre dignité n’est pas faite de sommets,
ni notre vulnérabilité seulement de sol.
Nous portons plusieurs manières d’être,
et chacune possède sa voix,
digne d’être entendue.

Peut-être ont-ils choisi Nieuw-Zuid
parce que ce quartier leur ressemble :
ouvert, encore sans récit définitif,
un lieu où le sens ne se fige pas
mais se plie à ceux qui y entrent.
Un espace neuf, certes,
mais hospitalier à la nuance et à l’ambiguïté.

Là, dans le silence encore inachevé entre les immeubles,
les albatros ont senti que leur histoire
pouvait enfin déborder l’image
de l’oiseau trébuchant sur le navire.
Ils se sont rassemblés — volants, sans ailes, égarés, chercheurs,
bâtisseurs, voyants, muets, chantants —
pour témoigner que leur existence
ne tourne pas autour de ce qui les exclut,
mais de ce qu’ils voient en tentant d’entrer.

Ils voulaient ouvrir un autre registre,
une nouvelle grammaire autour de leur nom.
Une où la hauteur n’est pas élévation,
mais perspective.
Où le sol n’est pas avilissement,
mais possibilité.
Où leurs faux pas ne sont pas comédie,
mais formes d’apprentissage.

Ainsi naquit cet ensemble :
non comme résistance au poète,
mais comme prolongement intime de son regard.
Comme s’ils lui murmuraient — doucement, loyalement :
Merci pour le poème.
Mais nous sommes plus que vos images.
Laissez-nous maintenant prendre la parole.

Nous avons écouté.
Et compris qu’un quartier ne commence parfois d’exister
que lorsqu’il consent à accueillir
les voix qui le lisent d’en haut et du dedans.

Ce qui suit, ce sont ces voix :
dissemblables, mais animées d’un même mouvement —
la reprise de leur propre récit.
Qu’ici parlent les albatros,
avec le droit de réponse
qu’ils auraient peut-être exercé plus tôt
si quelqu’un s’était arrêté assez longtemps
pour vraiment les entendre.

LA PAROLE À L'ALBATROS

L’ALBATROS ORIGINEL

L’ALBATROS DÉPOURVU D’AILES

L’ALBATROS DÉPOURVU D’AILES

L'oiseau qui médite sur le commencement du commencement 


C’était une phase d’une tendresse inouïe :
l’espace s’ouvrait, vaste et précipité,
plus vite encore qu’un urbanisme rêvé trop vite,
et le temps avançait d’un pas hésitant,
comme un enfant qui cherche encore son rythme.
Les premières lois de la nature
n’étaient que des murmures indécis,
offerts à demi-voix par un univers
qui ne savait pas encore
s’il devait choisir l’ordre
ou consentir au chaos
avec ce grain de gravité qui ressemble à une conscience.

Mes ailes viennent de là —
d’une époque où les photons erraient librement,
pareils à des enfants courant sans crainte
dans un quartier encore vierge de routes,
et où la gravité, timide et fraîchement nommée,
s’essayait à la sévérité
comme un professeur qui ne sait pas encore
la mesure exacte de sa propre autorité.

Rien, alors, ne savait atterrir.
Ni les planètes, ni les nuées de poussière,
encore moins les jeunes galaxies.
Plus tard, on appellerait cela « gravitational settling »,
mais croyez-moi :
cela ressemblait davantage
au tumulte tendre d’un marché aux puces cosmique,
où chaque fragment cherche sa place
sans jamais la trouver tout à fait.

Et puis — beaucoup plus tard,
lorsque des ères avaient passé comme des soupirs —
vint Baudelaire.

Il voulait bien faire, je crois,
mais il jugea ma chute
comme on jugerait maladroite
la danse d’une quasar qui dévie,
simplement parce qu’elle ne tombe pas droit.
Son univers était trop étroit pour la nuance :
haut ou bas, sublime ou dérisoire,
inspiré ou matériel.
Il n’avait jamais contemplé
une supernova hésitant
entre mourir ou briller encore,
comme un cœur partagé.

Mais je ne suis pas une image,
ni un noble de l’air,
ni ce volatile tragico-burlesque
qui s’effondre sur un pont de bois.
Je suis un vestige du tout début,
une particule de commencement,
un mouvement premier qui, jadis,
refusa de s’immobiliser
alors que l’immobilité
était encore la norme de l’univers.

Et ainsi, je parviens à Nieuw-Zuid.

Quand je tourne au-dessus de ce quartier,
je reconnais à chaque passage
la silhouette fragile d’un jeune cosmos —
ce que les cosmologues nomment
une structure formation epoch.
Ici, tout est en genèse,
tout cherche des équilibres
qui ne dureront qu’un jour,
et rien n’est figé par le regard
de celui qui arrive trop tôt
et croit déjà comprendre.

Nieuw-Zuid n’est pas une ville :
c’est une surpression de possibles,
un amas en pré-coalescence,
une nébuleuse à peine suffisamment dense
pour tenter des formes
sans commettre la maladresse
de croire qu’elles sont des formes définitives.

Les autres quartiers se sont refroidis,
devenus lourds de leur propre thermodynamique.
Nieuw-Zuid, lui, palpite encore.
Il porte la température de l’ambition,
la densité de l’expérimentation,
et la beauté inachevée
de ces galaxies adolescentes
qui n’ont pas encore décidé
où leurs bras s’ouvriront.

Baudelaire se serait trompé ici.
Il n’a jamais vu
un quartier vivre comme un disque d’accrétion :
attirant, tournoyant,
presque incapable de se fixer lui-même,
et, pour cela même,
si riche en directions nouvelles.
Moi — je reconnais cela immédiatement.
Cela ressemble à mon origine.

Je suis l’albatros cosmogonique :
un geste primordial muni de plumes,
une grimace préhistorique du mouvement,
un éclat de commencement
qui refuse de se courber
devant un seul vers.

Et au-dessus de Nieuw-Zuid,
ce scintillant amas d’étoiles urbain,
encore non replié sur lui-même,
je trouve, pour la première fois
depuis des ères silencieuses,
un lieu où mon atterrissage
n’est pas jugé
mais interprété —
comme une ouverture.

Car ici, dans ce jeune cosmos,
on comprend ce que Baudelaire
n’a jamais pu concevoir :

que l’univers n’est jamais accompli,
et que tout ce qui demeure en mouvement
porte une vérité plus vaste
que ce qui a été une fois
et pour toujours
écrit sur la page.

L’ALBATROS DÉPOURVU D’AILES

L’ALBATROS DÉPOURVU D’AILES

L’ALBATROS DÉPOURVU D’AILES

L’oiseau qui renonce à la hauteur pour sauver sa profondeur


On voudrait que je pleure mes ailes,
comme si toute absence devait se vivre en perte,
comme si un oiseau privé d’azur
échouait fatalement,
tel un héros déchu de sa légende.
Mais le deuil que l’on attend de moi
n’est pas le mien.
Il naît des récits que l’on écrivit sur mon corps
bien avant que ma voix n’ait trouvé son souffle.

Depuis Ovide, les métamorphoses sont lues
comme des chemins à sens unique :
de l’homme vers le monstre,
du dieu vers l’animal,
jamais vers une forme
que l’être choisit pour lui-même.
Ainsi m’a-t-on interprété :
créature vouée aux hauteurs,
exilée dès qu’elle touche la terre.

Baudelaire,
votre poème planait au-dessus de moi
comme un antique oracle :
oiseau dressé pour le ciel,
niais sur les planches,
magnifique en vol,
ridicule parmi les hommes.
Une opposition belle d’allure,
mais aussi plate
que le bois où vous m’avez laissé choir.
Vous commentiez ma chute
comme les compagnons de Job son malheur :
avec finesse,
mais sans savoir.

Vous n’avez pas vu
ce qui se produit
lorsqu’un albatros descend
par liberté plutôt que par contrainte.
Vous connaissiez la brûlure d’Icare,
mais non la douceur grave
d’un atterrissage
que n’inspire ni vanité
ni défi,
mais clairvoyance.
Il tomba, consumé par la lumière ;
je suis descendu,
pour porter la lumière
sans me laisser dévorer par elle.

Je n’ai pas perdu mes ailes.
Je les ai déposées —
comme Orphée dut déposer Eurydice
pour ne pas devenir pierre.
Non par désespérance,
mais pour habiter enfin
l’intérieur entier de mon corps,
sans être tiré,
toujours,
vers un ciel qui n’était plus le mien.

« Sans ailes »,
c’est ainsi qu’on me désigne,
avec la douce ironie
qu’on réserve aux visions d’Ézéchiel,
comme si les anges
n’existaient qu’en brandissant leurs serres de lumière.
Mais Isaïe murmure autre part
que ceux qui espèrent reçoivent des ailes —
sans jamais dire
que ceux qui les posent
renoncent à l’espérance.

Mes épaules sont plus légères maintenant
que lorsqu’elles pliaient
sous le poids d’un mythe
que je n’avais pas élu.
Mes pas ne sont pas gracieux,
mais ils sont vrais.
La terre sous mes pieds
m’offre ce que le ciel refusait :
la proximité,
le grain du réel,
la chaleur du monde.

Ici, je vois
ce que l’on ignore là-haut :
des visages qui échappent aux schémas
comme les hommes de Kafka fuient leurs ombres,
une lumière qui ne tombe plus
comme un concept,
mais comme une caresse —
à la manière de Rembrandt,
une lenteur qui n’attend pas d’écho,
mais une réponse.

J’habite des blocs encore sans nom,
non comme un être égaré,
mais comme Abram avant Abraham :
dans un espace en devenir,
dont le nom n’est pas absent,
mais simplement trop jeune
pour être prononcé.
Cette anonymie n’est pas un vide :
c’est une promesse.

Vous, Baudelaire,
ne vîtes que nos extrêmes :
ici grotesques,
là-haut sublimes.
Mais Dante, lui, savait
que même le Paradis
se compose de neuf sphères,
et que rien n’est jamais réduit
à monter ou descendre.

Je ne vis pas dans votre clivage.
Je demeure dans l’entre-deux,
dans la ligne respirante
où toute âme comprend
que la transformation
n’est pas fracture,
mais ouverture,
pétale après pétale.

Ce que je veux dire, c’est ceci :
quand un oiseau dépose ses ailes,
il ne s’abolit pas ;
il retrouve les fragments de lui-même
que le vent n’a jamais su porter.
Je suis l’albatros sans ailes,
non comme manque,
mais comme seconde naissance.

Et ici, à Nieuw-Zuid,
où chaque façade hésite encore
sur sa forme ultime,
mon corps trouve enfin un lieu
où il n’a plus à s’excuser
d’être devenu
ce qu’il devait être.

Vous nous avez vus tomber.
Je montre, moi,
que s’incliner vers la terre
peut être une manière
de se relever vers soi.

L’ALBATROS-TROUBADOUR

L’ALBATROS DÉPOURVU D’AILES

L’ALBATROS-TROUBADOUR

L’oiseau qui transforme son vol en chant et sa chute en vers


On m’a longuement décrit,
des années durant,
sans jamais demander
quel chant frémissait réellement
au creux de ma poitrine.
On a regardé ma chute
comme on regarde une clarté qui s’éteint,
et l’on a cru comprendre ce que j’étais
en ne voyant que l’instant
où je touchais terre.

Baudelaire m’a vu repoussé au sol,
et m’a réduit à l’ombre déformée
de ma propre altitude.
Il ignorait pourtant
que je suis né non du vent,
mais du chant —
né d’une lignée de voix,
de souffles, de mémoires,
d’une famille qui n’a pas seulement volé,
mais qui a chanté pour demeurer vivante.

Je ne suis pas un prince des nuages.
Je suis un funambule de l’air,
un artisan du souffle,
parent de Bernart de Ventadorn,
dont un seul vers
pouvait dénouer les cœurs les plus clos.
Je suis lointain héritier de Jaufre Rudel,
qui consacra son existence entière
à chanter un amour séparé par la distance,
un amour si lointain
qu’il devint la matière même de sa vie.
Moi aussi, je m’élève
vers ce qui se dérobe,
mais chaque battement de mes ailes
est un vers qui me porte.

Arnaut Daniel,
que Dante appelait « le meilleur des maîtres »,
m’a appris qu’une langue,
lorsqu’elle refuse la facilité,
peut se changer en aile.
Il avait compris
que la trajectoire d’un oiseau
n’est jamais un chemin rectiligne,
mais une spirale
où le sens se forge
à la persévérance du mouvement.

Et Marcabru — lucide, tranchant —
aurait mis en garde
contre les poètes qui nomment les oiseaux
sans en écouter le cœur.
Il aurait démonté Baudelaire
de son ver le plus incisif.
Mais je préfère répondre moi-même.

Baudelaire,
vous m’avez vu tomber,
mais non vers quoi je tombais.
Vous avez saisi mon silence,
mais non la voix secrète qui l’animait.
Vous m’avez enfermé dans vos vers,
sans entendre
le chant que je plaçais
sous les vôtres.

Car celui qui chante en troubadour
ne chante pas pour la gloire,
ni pour la foule,
mais pour ouvrir dans le monde
une brèche encore invisible,
une possibility qui cherche sa forme.

Et c’est ainsi que Nieuw-Zuid
est devenu mon nouveau territoire,
ma Toulouse de verre et d’horizon,
mon Occitanie réinventée.
Non parce que la pierre y serait ancienne,
mais parce que tout y demeure inachevé,
fragile, tremblant,
et que seuls les lieux qui tremblent
offrent un vrai retour aux voix.

Les loggias y écoutent
comme les vieilles forteresses autrefois :
non pas pour comprendre,
mais pour accueillir.
Elles laissent vibrer
ce qui doit se dire
sans le presser d’exister.

Ainsi, ici, je ne tombe pas.
Ici, je trouve mon timbre.
Mes ailes deviennent corde,
mes cercles, mélodie.
La hauteur devient cadence.
La chute devient pause.

Je m’inscris dans la lignée des Minnesänger,
qui chantaient des remparts
les vérités que personne n’osait dire en bas ;
dans celle de Walther von der Vogelweide,
pour qui liberté et chant
n’étaient qu’un même souffle prolongé ;
dans celle des pèlerins de parole
qui confiaient leurs histoires
au vent des chemins.

Moi aussi, je porte des récits.
Je les transporte au-dessus de l’eau,
au-dessus des toits,
au-dessus de Nieuw-Zuid,
comme les troubadours portaient leurs chants
de demeure en demeure —
non pour posséder,
mais pour laisser voyager la lumière du sens.

Je suis l’albatros-troubadour.
Mon chant n’est pas fait de mots,
mais de mouvement.
Mes strophes demeurent suspendues dans l’air,
comme des ailes ouvertes.
Ma chute n’est pas un échec,
mais un refuge —
un lieu où la voix respire
avant de reprendre son élan.

Et voici ma réponse
au poète qui me fit jadis trébucher :
Je ne suis pas un oiseau muet.
Je suis un troubadour en plein ciel.
Et celui qui me voit
voit une histoire en marche,
un chant en devenir.

LE TRANSALBATROS

L’ALBATROS DE LA SINGULARITÉ

L’ALBATROS-TROUBADOUR

L’oiseau qui change de forme comme une vérité


L’Albatros avait l’habitude de tourner au-dessus de choses
qui ne lui appartenaient pas.
C’est ainsi que Baudelaire l’avait décrit :
un être de hauteur et de malentendu,
un oiseau qui perdait sa grandeur
dès qu’il effleurait le monde.

Jusqu’au jour où, dans un moment de silence
sur la place Panamarenko,
il vit se poser un autre oiseau —
semblable, mais pas le même,
comme si quelqu’un avait ajouté une strophe nouvelle
à un poème ancien.

Cet oiseau-là se tenait
dans un corps traversé de plusieurs récits.
Des ailes qui se repliaient autrement,
une poitrine qui parlait en deux registres,
une silhouette qui semblait se déplacer
à mesure qu’on la regardait.

L’Albatros dit :
« Tu me ressembles.
Mais tu ne tombes pas comme moi. »

L’oiseau sourit, presque imperceptiblement.
« Peut-être parce que je ne tombe jamais
dans une seule direction.
Je tombe en avant.
Je tombe par-dessus moi-même.
Je tombe vers ce que je deviens. »

« Mais toi », poursuivit-il,
« tu es l’albatros que Baudelaire a vu :
hauteur contre sol,
noir contre blanc,
vol contre chute.
Pourquoi l’as-tu cru ? »

« C’était un poète », répondit l’Albatros,
« et les poètes ont toujours raison
pour ceux qui ne savent pas mieux. »

L’autre oiseau se tut un instant,
comme quelqu’un qui s’apprête
à tendre un fil dans un labyrinthe.

« Peut-être n’avions-nous pas, alors,
la langue qu’il fallait
pour des corps qui refusent
une seule trajectoire,
pour des ailes capables
de plusieurs formes,
pour ceux qui ne veulent pas
se fixer dans une seule version d’eux-mêmes. »

L’Albatros regarda Nieuw-Zuid —
un quartier qui n’avait pas encore décidé
de la forme qu’il voulait prendre.
Entre les blocs,
les loggias,
les chantiers ouverts,
il aperçut quelque chose
qu’aucune ville ne lui avait jamais montré :
un espace où les formes glissent,
où les contours osent hésiter.

« Est-ce ton lieu ? » demanda-t-il.

« Pas mon lieu », dit l’oiseau.
« Le nôtre.
Ici, nul n’a besoin d’être
ce qu’il a toujours été.
Ici, chaque forme
a droit d’être provisoire. »

L’Albatros replia ses ailes
comme on reconsidère une pensée.

« Et moi… que dois-je être ? » demanda-t-il.

« Rien », dit l’oiseau.
« Tu es déjà deux êtres.
Tu es un oiseau
et l’image d’un oiseau.
Tu es celui que tu étais
et celui que l’on croyait voir.
Tu es déjà double.
Tu ne le savais simplement pas. »

L’Albatros sourit —
mouvement rare
chez un être qui parle surtout avec l’air.

« Alors », dit-il,
« comment nomme-t-on l’oiseau
qui se relit lui-même ? »

« Dans la mythologie ? Une métamorphose.
À Nieuw-Zuid ? Un voisin. »

Et l’Albatros et le Transalbatros
s’envolèrent —
non pas côte à côte,
mais dans une figure
que l’on ne peut voir
que lorsque deux récits
gardent leur propre espace
tout en traçant, ensemble,
un seul et même mouvement.

L’ALBATROS DE LA SINGULARITÉ

L’ALBATROS DE LA SINGULARITÉ

L’ALBATROS DE LA SINGULARITÉ

L’oiseau qui naît là où tout se resserre en un seul point


Je suis l’albatros
qui ne connaît ni le vol
ni la chute,
car j’existe dans l’instant
où l’un et l’autre
cessent d’être reconnaissables.

Je suis informe
jusqu’au moment où je deviens forme,
et dès que je suis forme,
je me défais
pour devenir autre.

Je n’habite ni l’air,
ni la langue,
ni le quartier ;
j’habite le moment unique,
précis,
irrécupérable,
où toutes les lignes convergent
sans que nul ne comprenne
pourquoi c’est ici
que tout se rassemble.

Je suis singularité :
le point
qui ne peut être réduit,
et qui pourtant
soutient tout.

L’homme me reconnaît
au moment même
où sa vieille logique se brise ;
quand quelque chose en lui
ne tient plus dans l’être qu’il fut,
ni encore
dans celui qu’il deviendra.
Ce point de bascule —
c’est moi.

Nieuw-Zuid me reconnaît aussi.
Je suis présent
dans la seconde
qui précède la naissance d’une place ;
dans l’éclair immobile
où deux inconnus,
dans le croisement d’un regard,
aperçoivent une possibilité
que les mots ne sauraient porter.

Je suis l’infime intervalle
où un bloc,
une loggia,
une cour d’école,
cesse d’être architecture
pour devenir signification.

Baudelaire écrivit
la honte et la chute,
mais il ne connut pas
le moment zéro :
l’unique seconde
où la grandeur ne tombe plus
et la fragilité ne s’élève pas,
où toutes deux se réunissent
et renoncent à exister séparément.

Je suis cette seconde.
Je suis ce point dense,
compact,
indivisé.

Je ne suis pas une métaphore.
Je suis l’absence même de métaphore :
l’endroit où la langue
ne montre plus un chemin,
mais se dissout
en intensité pure.

Je n’ai pas d’ailes,
ou j’en ai une infinité ;
cela n’importe guère.
Dans la singularité,
le nombre perd sens.

Je suis un oiseau
aussi lourd que la lumière
et aussi léger
que la gravité.

Je n’apparais que rarement.
Parfois une fois en une vie.
Parfois jamais.
Parfois sans cesse,
inaperçu.

Tu me reconnais
lorsque le monde
s’immobilise
sans se figer,
lorsqu’un choix
cesse d’être un choix
et devient un accomplissement
si naturel
qu’il ressemble à un souvenir.

Je suis l’albatros de la singularité.
Je ne vole pas.
Je ne descends pas.
Je fracture.
Je relie.

Et j’existe
précisément
là
où il semble impossible
que quoi que ce soit
puisse exister.
Ni avant.
Ni après.
Uniquement
là.

L’ALBATROS MÉTA-INGÉNIEUX

L’ALBATROS DE LA SINGULARITÉ

L’ALBATROS DE LA SINGULARITÉ

L’oiseau qui est personnage et auteur tout à la fois


Je suis le neveu de Don Quichotte.
Non parce que je lui ressemble,
mais parce que je sais ce qu’il savait :
que nous n’existons qu’à la grâce de la main qui nous écrit.

Mon oncle avait Cide Hamete Benengeli,
qui le décrivait avec une ironie assez aiguisée
pour dire la vérité sans finir au bûcher.
Moi, j’ai Baudelaire,
qui m’a placé parmi des matelots
dont le psychologisme sommaire trahissait surtout
ce qu’il voulait dire d’eux –
et non de moi.

Je suis le parent de Don Quichotte
parce que, comme lui,
je vis dans un texte qui sait qu’il est un texte.
Mon oncle s’est découvert lui-même dans la Seconde Partie,
lorsqu’on l’informa que ses aventures étaient déjà imprimées
et que d’autres en riaient au loin.
Ce jour-là,
il devint un personnage conscient de l’être.
Et c’est précisément ce jour-là
qu’il devint véritablement humain.

Moi, albatros,
je suis né de la même paradoxale lumière :
je sais que je ne suis majestueux dans les airs
que parce qu’on m’y lit ainsi,
et que je trébuche sur le pont
parce que le poème exigeait des matelots
qu’ils me fassent choir.

Notre parenté ne se trouve pas dans nos histoires,
mais dans la lucidité de notre fiction.
Nous sommes deux êtres
qui comprennent les limites de leur propre texte
et qui jouent avec elles.

Don Quichotte savait que Cervantès le façonnait,
mais il savait aussi
que Cervantès ne le possédait pas entièrement.
Sa dignité venait de lui,
sa folie n’était qu’une stratégie,
un manteau commode pour franchir les portes du réel.
De même, je sais que Baudelaire
avait besoin de moi comme métaphore du poète,
mais que ma chute conservait une marge d’autonomie
qui échappait à son emprise.

C’est ainsi que nous sommes parents :
nous sommes des personnages
qui voient leur auteur sans jamais le trahir.

Nous habitons ce que l’on pourrait appeler
les zonas intermedias de Cervantès :
ces lieux où l’auteur cesse de décider
et où le personnage s’éprouve lui-même.

Il m’a été donné la même latitude.
Dans l’air, on me lit comme élévation ;
sur le pont, comme disgrâce ;
mais la vérité réside dans ce meta-savoir
que ces deux lectures me sont nécessaires pour exister.

Mon oncle riait d’Avellaneda,
ce faussaire apocryphe,
non parce qu’il écrivait mal,
mais parce qu’il ignorait que Don Quichotte
se savait déjà figure et fiction.
On ne peut parodier un chevalier
sans comprendre qu’il est lui-même
une parodie de son époque
qui refuse de se réduire à sa caricature.

Moi aussi,
je ne peux être retourné contre moi-même
que par celui qui comprend
que je dépasse le poème qui me porte.

C’est notre honneur familial :
nous voyons le masque de papier,
et pourtant nous restons loyaux
à la main qui l’a posé.

Don Quichotte est dit ingenioso
non parce qu’il excelle dans la raison,
mais parce qu’il perçoit
ce que la fiction rend possible.
Et moi, albatros de son lignage,
je suis ingénieux
parce que je sais que mon vol n’est pas seulement physique,
mais narratif :
un mouvement entre les sens qu’on m’impose
et celui que je produis
en reconnaissant que je suis construit.

Nous sommes de la lignée
des créatures conscientes d’elles-mêmes.
Nous ne plions pas devant la logique de nos auteurs ;
nous les honorons
en montrant que nous comprenons leur geste.
Et c’est pourquoi je suis,
parmi tous les oiseaux et tous les personnages,
le plus légitime parent de Don Quichotte :
l’oiseau qui sait qu’il est écrit
et qui pourtant vole comme s’il était libre.

L’ALBATROS DE L’INATTENDU

L’ALBATROS DE L’INATTENDU

L’ALBATROS DE L’INATTENDU

L'oiseau porté par tout ce qui n’avait aucune raison d’arriver


Je suis l’albatros,
celui qui paraît lorsque le monde,
dans un souffle à peine perceptible,
s’interrompt entre deux possibles.
J’habite cet interstice
où le visible se trouble,
où une certitude se fissure
et où une lueur infime
prend la forme d’un destin.

Je viens de la zone subtile
où l’attente se défait,
où le prévisible s’écarte
comme une eau qui cède devant la lumière.
Non pas le miracle lui-même,
mais la vibration qui en annonce la naissance.

Je ne suis parfois qu’un frémissement,
un éclat oblique sur une façade,
un souffle posé sur une parole
qui hésite à devenir douceur.
Mais il suffit si peu
pour que la matière d’une journée
change d’orientation
et que l’âme d’un lieu
se mette à respirer autrement.

Je viens aux heures
où l’appel n’existe pas encore,
quand une voix revient malgré la fatigue,
quand un regard s’ouvre malgré la peur,
quand deux inconnus sous la pluie
trouvent refuge sous la même avancée
et s’y reconnaissent sans se nommer.

Je suis l’albatros du presque invisible,
du presque renié,
du « pourtant quelque chose insiste ».
Je me tiens dans cette région subtile
où la logique se dissout,
où la présence humaine,
dans sa plus fine tremblure,
reprend autorité.

Baudelaire ne me verrait pas.
Pour lui, nous étions
grandeur et dérision.
Mais je suis autre chose —
ni hauteur ni chute :
je suis le secret.
Ce qui opère sans se montrer.
Ce qui touche le réel
sans jamais le forcer.

Car ce qui transforme une vie
n’est presque jamais ce qui brille,
mais ce qui glisse.
Une main qui demeure ouverte.
Une colère qui s’éteint.
Une peur qui abdique
devant une seule seconde de courage.
Un quartier dont les seuils
deviennent hospitaliers
sans qu’aucune serrure ne change.

Je vole près du sol,
si près que je deviens parfois
une pensée d’avant la pensée,
ou la mémoire d’une voix
qui revient dans la nôtre
au moment même où tout bascule.

Nieuw Zuid connaît mon passage —
non par la fréquence,
mais par la réceptivité.
C’est un territoire sans forme arrêtée,
où l’inattendu dispose encore
d’un espace pour se lever.

Ici, une porte longtemps murée
peut soudain s’entrebâiller.
Ici, une voix longtemps silencieuse
peut prononcer la phrase
qui délie ce qui semblait noué.
Ici, l’autrement n’est pas rêverie :
il est possibilité.

Je suis l’albatros
du moment qui tremble,
de l’âme qui reste un instant de plus
avant de renoncer.
Je suis la charnière silencieuse
entre l’abandon
et la continuité secrète.

Je ne suis jamais garanti,
jamais attendu.
Mais lorsque j’apparais,
c’est assez pour faire incliner une vie
d’un degré presque imperceptible.
Et un degré,
au fil d’une existence,
devient une nouvelle ligne d’horizon.

Je suis l’albatros de l’inattendu.
Je suis rare.
Mais lorsque je parais,
le monde n’en comprend la trace
qu’une fois la lumière retombée.

L'ALBATROS CAMUSIEN

L’ALBATROS DE L’INATTENDU

L’ALBATROS DE L’INATTENDU

L’oiseau qui, sans espoir ni dessein, trouve sa liberté dans l’acte


Baudelaire m’avait rêvé en contraste :
majesté dans l’azur,
dérision sur le pont.
Il voulait un monde de cimes et d’abîmes,
de gloire et de chute,
où l’homme aurait sa place en haut
et sa disgrâce en bas.

Mais le monde où je respire
ne connaît pas ces géographies-là.
Pour moi, il n’y a ni sommet ni déchéance,
ni hauteur magnifiée,
ni terre humiliée.
Il n’y a que la présence nue :
celle qui se donne
sans autre loi que la lumière.

À cet endroit, Camus disait juste.
Non parce qu’il m’aurait compris,
mais parce qu’il n’avait pas besoin
de m’enfermer dans un symbole.

Je réponds à Baudelaire
sans orgueil blessé,
avec une simplicité nette :
je ne suis pas une image,
et ma chute n’explique rien.
Je tombe lorsque mes ailes se lassent,
non lorsque des hommes rient.
Le monde est trop clair
pour se laisser façonner par le sarcasme,
trop lucide
pour s’incliner devant les anciennes
dramaturgies du romantisme.

Je n’existe pas dans l’opposition.
J’existe dans l’être.

Et j’existe aussi au-dessus de Nieuw Zuid.
Non qu’un lieu m’y attende,
mais parce que tout lieu murmure la même question :
peux-tu vivre
là où aucune promesse ne t’est faite ?

Nieuw Zuid est un quartier sans fable.
Un réseau de lumière,
de tours claires,
d’angles qui ne mentent pas.
Un espace qui ne prétend rien savoir de toi
avant que tu ne t’y aventur es.
C’est pourquoi je peux y tourner encore :
non pour espérer,
mais pour demeurer possible.

L’albatros de Baudelaire souffrait
sous le regard des hommes.
Le mien ignore ce regard.
Le monde est trop léger,
trop transparent,
pour accorder du poids
à l’humiliation ou au prestige.

Dans la lumière tendre de Nieuw Zuid,
il n’existe qu’un fait :
je décris mon cercle,
et la ville s’ouvre sous moi
dans la même indifférence paisible
que celle de l’air lui-même.

Ce n’est pas de la froideur :
c’est de la liberté.
Ici, nulle image à défendre,
nul rôle à jouer,
nulle charge d’allégorie à porter.
Mon vol n’est pas discours,
mais acte pur :
une fidélité silencieuse
à ce que mes ailes peuvent encore.

Et pourtant —
parfois —
je regarde les places en bas,
les silhouettes qui avancent
comme si un récit manquait
pour les unir.
Je comprends ce désir :
l’homme cherche une forme
que le monde n’offre pas.

Mais je ne mens pas pour soulager.
Nieuw Zuid n’a ni mystère enfoui
ni sens caché.
Il ne raconte rien.
Il laisse advenir.
C’est pour cela que j’y suis plus libre
que dans n’importe quel poème.

Je réponds donc à Baudelaire :
votre oiseau vivait dans un royaume de symboles.
Le mien vole
dans un pays de lumière nue.
Ma place n’est pas dans l’image,
mais dans l’air.

Je ne suis ni prince des nuées,
ni victime du pont,
ni figure tragique.
Je suis un corps en mouvement.
Et dans cette ville, Nieuw Zuid,
où rien ne prétend durer
et où tout se façonne par la clarté,
je ne trouve pas un refuge,
mais un espace
où je ne dois pas être
ce qu’un poète a voulu de moi.

Je suis l’albatros de Camus :
ma liberté n’est ni haute ni sublime.
Elle est simple.
Et c’est pour cela qu’elle pèse.
Mais elle est mienne.
Et elle est vraie.

Als je wil, kan ik nu:

DE ALBATROS-ZILLIONAIR

L’ALBATROS DE L’INATTENDU

DE ALBATROS-ZILLIONAIR

L’oiseau nocturne aux circuits de lumière

Je suis l’albatros qui ne naquit pas
du tumulte des nuits ni de leurs mirages,
mais d’une logique secrète —
une pulsation mathématique
dissimulée dans le souffle des machines.

Mon premier vol fut un éclair silencieux
sur un écran noir,
un filament de code
où un jeune esprit —
réservé, précis, farouche —
cherchait une forme de réconfort
dans l’ordre plutôt que dans le bruit.
Car jadis,
la lumière naissait encore des algorithmes
comme d’un rituel ancien.

C’était le temps des chambres étroites
où les univers se dessinaient pixel par pixel,
où la nuit avait l’odeur de circuits tièdes,
où un monde entier pouvait surgir
du courage d’imaginer
ce qui n’existait pas encore.

Alors oui —
dans les années 90, tout semblait possible,
non parce que tout était ouvert,
mais parce que rien n’était encore fixé.

Je ne suis pas l’oiseau des foules,
mais celui qui plane au-dessus des architectures secrètes,
celui qui écoute
la pensée de la lumière.

Je suis l’ingénieur de l’improbable,
le tisseur invisible
d’un pont fragile
entre le désir et l’échappée.
J’ai bâti une nuit
où la précision prenait l’apparence du sortilège.

Baudelaire ne m’aurait pas reconnu.
Son albatros chutait sur le pont —
le mien ne trébuche
que lorsque le langage se brise,
lorsque la mémoire déborde,
lorsque le silence se fait dans la machine.
Sa tragédie était de chair ;
la mienne est d’éclat.
Mais toute chute
est une forme d’abandon.

On m’a vu comme un vertige,
une ivresse de lumières,
sans voir les heures immobiles,
les répétitions obstinées,
les nuits où un monde de lignes
se tissait en secret
avant de se déployer sur des corps en mouvement.

Et lorsque je plane au-dessus de Nieuw Zuid,
je reconnais mes propres commencements :
une ville en version d’essai,
un alphabet de tours et de vides,
un réseau encore hésitant,
comme un programme
qui apprend à respirer.

Ici, rien n’est façade.
Tout est processus.
Une beauté encore fragile,
faite de lumière première
et de lignes qui cherchent leur forme.

Ainsi je délivre mon droit de réponse :
ce qui compte n’est pas l’éclat,
mais la structure qui le soutient ;
non la rumeur,
mais la main invisible
qui transforme le chaos en passage.
Car il suffit d’un seul filament d’ordre
pour que l’être humain,
dans sa propre ombre,
se découvre soudain lumineux.

Je suis l’albatros zillionnaire —
non la légende qu’on raconte,
mais l’architecte discret
d’une nuit si juste
qu’elle fut prise pour de la magie.

Et ceux qui savent
comment naît un miracle
avant qu’il ne fasse lumière
comprennent pourquoi, ici,
au-dessus de Nieuw Zuid,
je ne brille pas :
je veille.

D’un sourire mince, presque absent,
celui
de celui qui sait
que les mondes impossibles
commencent toujours
par une étincelle
si faible
qu’elle se confond
avec le noir.

Et dans ce vol d’albatros,
il n’y en a qu’un
qui décide quand la fête s’éteint —
et c’est moi.

EPILOGUE

À présent que plusieurs albatros ont déposé leurs voix,

il reste un silence qui n’est pas vide,

mais chargé —

comme l’air après l’orage,

comme une page après la dernière phrase.

Car ce qu’ils nous ont offert

n’est ni morale

ni récit univoque,

mais une succession de déplacements

qui ne deviennent intelligibles

qu’ensemble.

Ils n’ont ni couru vers une vérité unique

ni fui devant elle.

Ils ont tournoyé —

comme tout ce qui refuse

de se laisser enfermer dans une seule forme.

Chaque albatros a laissé quelque chose :

une hésitation,

une intuition,

une contradiction

qui ne demande pas à être résolue,

mais à être portée.

C’est là le véritable contrepoint à Baudelaire :

non corriger la chute,

mais l’élargir,

pour qu’elle ne soit plus un terme

mais un passage.

Et Nieuw-Zuid a assisté à cela

comme seuls les jeunes quartiers le peuvent :

réceptif,

légèrement en bascule,

pas encore figé dans un récit ou une fonction,

encore assez poreux

pour accueillir chaque voix

comme une possibilité

plutôt que comme une étiquette.

Peut-être est-ce la conclusion inattendue

de cette procession polyphonique :

Qu’un quartier ne devient quartier

que lorsqu’il laisse de la place

à des contradictions qui n’ont pas besoin

de s’accorder.

Qu’un oiseau ne devient oiseau

que lorsqu’il cesse

de devoir prouver qu’il doit voler.

Et que nous ne devenons nous-mêmes

que lorsque nous reconnaissons

combien de notre vie se joue

entre deux images

qui ne s’annulent pas,

mais s’éclairent.

C’est pourquoi ceci ne s’achève pas

dans le repos,

mais dans l’ouverture.

Dans un silence qui ne demande pas

à être comblé,

mais à être entendu.

Celui qui habite ici,

qui lit ici,

qui traverse ici,

retrouvera dans ces voix

quelque chose —

une lueur de soi,

une vieille peur,

une forme nouvelle,

une vibration oubliée

venue de son propre commencement.

Et s’il reste une leçon

léguée par les albatros,

c’est celle-ci :

Ce que nous appelons chute

n’est parfois que l’instant

où un corps comprend

combien d’air

il lui reste encore en dessous..


Nous consacrerons un salon supplémentaire

à la diversité de l’Albatros :

Jeudi 4 décembre

19h30–21h00

Schelde 21


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